galaxie 141 by Collectif

galaxie 141 by Collectif

Auteur:Collectif
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2014-04-19T04:00:00+00:00


Elle gratta à la porte vers minuit le lendemain soir.

— « La lumière. J’ai vu la lumière et j’ai su que tu étais là. Je ne sais pas ce que j’aurais fait si je ne l’avais pas vue. »

— « Inutile de chuchoter comme cela, entre donc, » lui répondit-il.

Elle hésitait. « C’est que j’ai peur. »

— « Moi aussi. Si on mangeait ensemble ? »

Elle était nue. Elle s’enferma longtemps dans sa chambre et en ressortit vêtue.

— « Tu en as mis du temps, » dit-il.

— « J’étais en train de tout regarder. Tout est nouveau et différent, non ? »

— « Oui. »

Ils prirent leur repas ensemble. Elle le dévisagea par-dessus sa tasse de café et posa sa main sur la sienne.

— « Nous sommes en danger, » lui déclara-t-elle. « Cela peut recommencer. »

— « Je sais. »

— « Mais pourquoi ? »

Il secoua la tête. « Là, tu m’en demandes trop. À mon avis, ce doit être très simple. Soit nous nous entendons, soit nous nous retrouvons là-haut dans les collines. »

Elle ne put réprimer un frissonnement. « Mais cela fait des milliers d’années que tout le monde vit ensemble. Des millions d’années, même, disent les savants. Nous avons bâti cette civilisation ensemble, et quoi que les gens puissent dire, c’est ensemble que nous tiendrons ou que nous échouerons. Cela ne peut se passer autrement. »

— « Tu ne penses pas que cela va changer un jour ? Peut-être la science fera-t-elle en sorte que les femmes n’aient plus d’enfants. Peut-être hommes et femmes seront-ils exactement semblables. »

— « Non, » lui répondit-elle. « Nous sommes de la même race mais nous serons toujours différents. Mais pourquoi cela signifierait-il qu’il faille lutter ? »

— « La question est trop difficile pour moi…»

Mais il savait qu’un jour il lui faudrait répondre. À ce moment-là, il le savait, et il le savait également un mois plus tard lorsqu’il se retrouva à quatre pattes à l’entrée de la grotte, contemplant la maison. La lanterne devant la fenêtre était allumée. Lovina était là, en bas, elle l’implorait de revenir.

Combien de temps encore cela durerait-il ? Ne cesseraient-ils un jour de se transformer en porcs ? Ils se voyaient, mangeaient ensemble, faisaient même l’amour, et discutaient, discutaient, discutaient, et c’étaient ces maudites discussions qui les transformaient en cochons. Car ils ne pouvaient parler sans penser. C’était donc au cerveau de s’adapter.

Cela ne se produisait pas uniquement lorsqu’il se trouvait en compagnie de Lovina. Un jour, au cours d’une discussion, un autre homme et lui s’étaient transformés en porcs grognards avant de s’enfuir. Rien qu’une malheureuse conversation de rien du tout. Comment penser ? Comment élever l’homme à son plus haut niveau ? Comment maîtriser son âme propre – puisque c’était bien là la condition à laquelle il fallait se plier ? C’était cela ou crever en couinant que le monde n’était qu’une mare de boue.

Il contempla la fenêtre éclairée en contrebas et se mit à pleurer. « Nous y parviendrons ! » gémit-il.



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